Retour des arbres dans les espaces cultivés tropicaux.


La régénération naturelle assistée (RNA) est utilisée au Sahel depuis plus de vingt ans. Cette méthode a permis de reconstituer des systèmes  agroforestiers complexes sur des centaines de milliers d’hectares (Niger, Nord-Cameroun, etc.), avec la contribution du Cirad. Elle pourrait être appliquée en zone tropicale humide, où la forêt est défrichée à grande échelle par abattis-brûlis, laissant la place après culture à des jachères à Chromolaena odorata, très pauvres en biodiversité.

En République démocratique du Congo (RDC), sur le plateau Batéké, le projet européen Makala a testé les méthodes de RNA dans les derniers lambeaux de forêts galerie, avec les populations.

Choix des arbres à conserver 

Lorsqu’un agriculteur veut mettre en culture une parcelle de forêt ou de jachère arborée, il lui est conseillé de défricher d’abord le sous-bois. Avec l’aide d’un agent du projet, il évalue rapidement le potentiel des ligneux présents. Il s’interroge ainsi sur les espèces qu’il souhaite conserver, pour leur rôle fertilisant ou pour leurs productions (chenilles, fruits, bois de chauffage, bois d’œuvre, pharmacopée, etc.). Il évalue l’abondance de chaque espèce et s’interroge sur les individus pouvant être sauvegardés lors de l’abattage, de la mise à feu, puis de la mise en culture. Fort de cette réflexion, il sélectionne les arbres à conserver, en essayant de les répartir au mieux dans l’espace, avec au moins un arbre par espèce utile, tout en évitant l’ombrage excessif (suivant les houppiers, une densité de 100 arbres/ha assure un recouvrement d’environ 25%). Chaque arbre à conserver est identifié par une corde ou un anneau de peinture.

Défrichement sélectif et mise en culture

Les arbres non marqués sont abattus, puis sciés ou débités pour produire du charbon. La base des arbres à conserver est dégagée sur un rayon de 2 mètres. Les branchages rémanents ne sont brûlés qu’après 2 ou 3 pluies (50 mm). Les dégâts d’abattage et le passage du feu réduisent la densité à environ 60 arbres/ha. La parcelle est semée en céréales (maïs, etc.). Trois mois plus tard, les céréales sont récoltées et le manioc bouturé. La parcelle est alors sarclée. L’agriculteur sélectionne les repousses d’arbres qu’il veut garder (semis, rejets ou drageons) et les désigne par un piquet. Cela est particulièrement utile dans les trouées sans grands arbres. Les jeunes arbres conservés sont éclaircis, élagués par l’équipe de sarclage. Ils se développent après la récolte du manioc, pendant le cycle de jachère (6-12 ans) réservé au pâturage, à la cueillette, la chasse, l’apiculture, etc.

Mise en place progressive d’un système agroforestier

On espère ainsi mettre en place un système où l’arbre et les cultures cohabitent. Ce système, inspiré des pratiques anciennes, mais adapté aux possibilités et aux besoins actuels des agriculteurs, conservera mieux les sols et la biodiversité, tout en augmentant les ressources des populations. En RDC, 40 espèces différentes, dont une forte proportion de légumineuses, sont ainsi conservées.

Effets et conditions d’adoption de cette innovation

Les ingénieurs-chercheurs du projet européen Makala, étudient l’effet de cette méthode sur la diversité spécifique, la croissance des espèces, le taux de reconstitution de la biomasse, le stock de carbone, les semis spontanés d’espèces non sélectionnées au départ, et la perception qu’en ont des paysans. Il faut encore en évaluer la diffusion : comment les agriculteurs l’adaptent à leurs besoins, quels problèmes fonciers elle engendre entre ayants-droits et cultivateurs. Une projection des impacts à moyen terme sur la biodiversité, le carbone, la durabilité de la production agricole et forestière et l’économie des ménages et de la région est en cours. Elle est comparée au scénario « sans Makala », c'est-à dire sans protection d’arbres dans les cultures.

Il faudra imaginer comment encourager les agriculteurs à poursuivre cet effort au-delà du projet actuel. Une des pistes explorées est celle d’un Fonds forestier, comme il en existe en Europe, qui serait financé par les crédits « carbone » (Mécanisme pour un développement propre, MDP) ou REDD (protection des forêts).

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